Augmentation de salaire : 10 ans d’attente, comment y remédier cette année !

Experts en négociation

• Insaff El Hassini, spécialiste en négociation salariale et animatrice du podcast Ma Juste Valeur
• André Sobczak, fondateur du programme #NégoTraining chez Audencia

Deux scénarios envisageables :

1️⃣ Dix ans sans changer de poste

La situation est critique. Vous hésitez à demander une augmentation par peur d’un refus de votre manager, sous prétexte que votre poste n’a pas évolué. C’est une erreur qu’il faut corriger en utilisant les arguments suivants :

• Augmentation du coût de la vie

Bien que votre employeur ne soit pas obligé de revoir votre salaire chaque année en fonction de l’inflation (sauf pour le Smic), rien ne vous empêche de calculer la perte de pouvoir d’achat sur dix ans due à l’augmentation des coûts et de présenter ces chiffres à votre employeur.

• Évolution non reconnue

Bien que votre intitulé de poste n’ait pas changé, vos responsabilités ont évolué. « Soulignez que durant ces dix années, vous avez acquis des compétences et de l’expérience supplémentaires. Vos missions se sont diversifiées. Vous pouvez mentionner, par exemple, que vous encadrez les nouveaux arrivants, que vous êtes responsable de la transmission des pratiques de l’entreprise, ou encore que vous gérez les dossiers les plus complexes en raison de votre ancienneté », explique Insaff El Hassini.

• Création de valeur à venir

Listez les projets futurs sur les dix prochaines années pour renforcer votre argumentation. « Après avoir démontré votre contribution passée, demandez clairement à votre manager s’il compte sur vous pour continuer à apporter de la valeur à l’entreprise », insiste André Sobczak.

• Valeur sur le marché

Effectuez une simple recherche : intitulé de votre poste + 10 ans d’expérience. Si il y a dix ans, vous avez été embauché pour un salaire de 38 K€, et que le marché propose aujourd’hui 55 K€, que va faire votre manager ?

💡 Quelles solutions envisageables ?

« Si votre manager est compétent et bienveillant, il ajustera votre salaire. Sinon, vous devrez envisager de quitter votre zone de confort et chercher un emploi ailleurs », prévient Insaff El Hassini. Le marché de l’emploi pour les cadres est en effet très dynamique, avec un taux de chômage autour de 3,7%, indiquant presque un plein emploi.

2️⃣ Changement de poste au cours des dix dernières années

La situation : Il y a dix ans, vous avez commencé dans cette entreprise, vous avez été promu mais sans augmentation salariale.

Dans ce contexte, il est urgent de demander une augmentation significative car elle ne viendra pas d’elle-même. « Beaucoup de salariés considèrent déjà l’accroissement de leurs responsabilités comme une reconnaissance importante et se sentent coupables à l’idée de demander plus », note Insaff El Hassini. C’est injuste de la part de l’employeur de profiter de ce sentiment de culpabilité. Il est temps d’agir.

• Évaluer le ratio contribution/rémunération

« Prenez une feuille, faites deux colonnes. À gauche, listez vos tâches actuelles et à droite, indiquez votre salaire actuel. Vous verrez rapidement le déséquilibre. Présentez ce document à votre manager », conseille l’experte.

• Se comparer au marché : même démarche que pour le premier profil.

💡 Quelles solutions possibles ?

• Votre manager ou les RH ajustent votre salaire.
• Ils refusent d’entendre vos arguments en raison de la crise économique. Si vous êtes prêt à changer, commencez à chercher un autre emploi.
• Ils ne veulent rien entendre mais vous tenez à rester dans cette entreprise pour diverses raisons. Dans ce cas, acceptez la situation mais négociez d’autres avantages comme un passage à temps partiel sans perte de salaire, une formation de haut niveau, une place en crèche, une voiture de fonction… », propose Insaff El Hassini.

Témoignage de Cécile, 45 ans, responsable juridique

Chaque année, Cécile voit les augmentations des autres passer devant ses yeux sans jamais bénéficier elle-même d’une revalorisation.

« Je pensais naïvement que la qualité de mon travail suffirait. Cette année, j’ai préparé une requête solide pour une augmentation, en me renseignant notamment sur les écarts de salaire et en valorisant mes contributions spécifiques, comme économiser sur les frais d’avocat en gérant moi-même les dossiers », partage-t-elle. Convaincue de sa plus-value, elle a demandé 17% d’augmentation et en a obtenu 12%. « Cela me convient car mon emploi est proche de chez moi, ce qui contribue à mon équilibre. Pour moins de 10%, j’aurais cherché ailleurs mais avec une option de télétravail », conclut-elle.

Témoignage de Claire*, 30 ans, directrice d’atelier adjointe

Claire est arrivée dans ce groupe de luxe il y a dix ans. Sa mission a évolué jusqu’à devenir la bras droit officieux du directeur d’atelier. « J’ai finalement obtenu le titre de directrice d’atelier adjointe et une augmentation de 20%, bien que ce soit en dessous de ce que propose le marché. J’ai également reçu une prime exceptionnelle et je serai promue directrice d’atelier dans quelques années », partage-t-elle, bien qu’elle pensait que son manager refuserait toute augmentation.

*Le prénom a été modifié.